Le Sénat adopte la PPL portant création d'un statut de l'élu local
- Laurence Garnier

- 28 oct.
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 30 oct.
Le mercredi 22 octobre 2025, le Sénat a adopté à l’unanimité en deuxième lecture la proposition de loi d’origine sénatoriale portant création d’un statut de l’élu local.
Cette proposition de loi a pour objet de revigorer la démocratie locale face aux importants enjeux et défis auxquels sont confrontés les élus locaux, dans un contexte marqué par la multiplication des incidents et difficultés empêchant le bon exercice des mandats et fragilisant l’engagement. Pour cela, elle comporte une grande variété de mesures touchant l’ensemble de ces problématiques, afin de permettre des avancées concrètes pour les conditions d’exercice des mandats.

Mieux valoriser l’engagement local
Pendant le mandat…
En premier lieu, le texte comprend un important volet relatif aux mesures financières
concernant les élus. En particulier, le Sénat avait proposé dès la première lecture de revaloriser les indemnités des maires et adjoints des maires : repris pour l’essentiel par les députés et ciblant les petites communes, ces articles traduisent une reconnaissance partagée des parlementaires de l’importance de valoriser l’engagement et les sacrifices de ceux qui font vivre la démocratie locale.
En outre, le texte comprend des mesures spécifiques à l’accompagnement des élus face à certains impératifs du quotidien. Par exemple, en rendant éligible au remboursement les frais de garde d’enfants, de personnes âgées ou en situation de handicap pendant toutes réunions liées à l’exercice du mandat, et en prévoyant l’extension aux communes de 3.500 à 10.000 habitants de la compensation par l’Etat des coûts ainsi occasionnés.
Afin que ces avancées puissent recevoir une traduction concrète, le bénéfice de la dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux (DPEL), actuellement limité aux communes de moins de 1.000 habitants, serait lui étendu à l'ensemble des communes de moins de 3.500 habitants.
… et après le mandat, ainsi qu’au moment de la retraite
Le texte voté au Sénat comprend aussi plusieurs dispositifs destinés à accompagner les élus
au terme de leur mandat.
Par exemple, le bénéfice de l’allocation différentielle de fin de mandat (ADFM) sera étendu à l'ensemble des maires et adjoints au maire et son montant revalorisé, tandis que l’exercice d’un mandat sera mieux pris en compte par l’intégration des crédits d’heures et des indemnités perçues dans le calcul des allocations de retour à l’emploi (ARE). Afin de pouvoir
faire valoir les acquis de leur mandat, les élus bénéficieront également d’un accès facilité à la
validation des acquis de l’expérience (VAE).
Enfin, le texte du Sénat prévoit aussi une majoration de durée d’assurance retraite d’un trimestre par mandat effectué par les membres des exécutifs locaux, dans la limite de trois trimestres.
Faciliter le déroulement des mandats
En deuxième lieu, le texte voté par le Sénat apporte des réponses très pratiques aux questions posées par l’exercice des mandats et la conciliation des vies publique, professionnelle et personnelle, avec pour dénominateur commun une idée : faciliter le déroulement des mandats.
Par exemple, les règles concernant le cumul des indemnités journalières avec les indemnités de fonction des élus ont été remaniées. Cela permettra notamment d’éviter que le congé maladie, maternité, paternité ou d’adoption donne lieu à une baisse de ressources pour des élus qui ont cessé leur activité professionnelle et se trouvent ensuite conduits à suspendre l’exercice de leur mandat.
Sans pouvoir être exhaustif ici, mentionnons également :
— Le recours possible à la visioconférence pour les réunions des commissions des
conseils municipaux et celles des bureaux des EPCI ;
— Davantage d’autorisations d’absence : les candidats aux élections bénéficieraient de
vingt jours de congé électif, contre dix actuellement, tandis que les élus pourront bénéficier
d’autorisations d’absence pour accomplir des missions dans le cadre d’un mandat spécial ;
— Le rehaussement du plafond de remboursement des pertes de revenus subies en raison des absences pour les élus ne bénéficiant pas d’indemnités de fonction ;
— La création d’un statut de l’élu-étudiant, permettant des aménagements de scolarité ;
— Des mesures destinées à faciliter l’exercice de leur mandat par les élus en situation de handicap, notamment via le remboursement des frais spécifiques de déplacement, d’accompagnement et d’aide qu’ils ont engagés dans le cadre de ce mandat ;
— Une meilleure prise en compte de l’engagement d’élu local dans les déroulements de carrières des salariés et des fonctionnaires ;
— L’assimilation formelle des temps d’absence de l’élu à une durée de travail effective pour l’octroi des prestations sociales, rétablie par les sénateurs après avoir été supprimée par les députés ;
— La création d’un label « employeur partenaire de la démocratie locale », afin de reconnaître et valoriser l’engagement des entreprises employant des élus locaux ;
— Des dispositions facilitant l’accès à l’information des élus en début de mandat, et à la formation pendant sa durée ;
— L’extension du bénéfice du chèque emploi-service universel à l’ensemble des élus locaux, pour faciliter le recours aux gardes d’enfants et de personnes dépendantes;
— La suppression de l'incompatibilité entre le mandat de conseiller communautaire et
l'exercice d'un emploi salarié au sein d'une commune membre de l'EPCI.
Mieux sécuriser les élus dans l’exercice de leur mandat
Donner des garanties et une sécurité plus grande aux élus locaux sur le plan juridique. La proposition de loi procède à un remaniement de la charte de l’élu local. Sans en changer
ni l’esprit ni la manière dont elle est lue devant les élus au commencement de leur mandat
municipal, la charte est renforcée, et rendue plus lisible et opérationnelle.
Le texte comporte des mesures destinées à sécuriser juridiquement l’action des élus locaux
et à simplifier les règles déontologiques qui leur sont applicables. Par exemple, l’octroi de la
protection fonctionnelle est rendu automatique pour l’ensemble des élus, y compris
lorsqu’ils n’appartiennent pas à l’exécutif, et le régime de la responsabilité des communes
en cas d'accident des conseillers municipaux est aligné sur celui, plus protecteur, des maires et de leurs adjoints.
Afin de simplifier les démarches des élus, le texte du Sénat prévoit également des mesures
pour mieux cibler le contrôle des personnes politiquement exposées (PPE) et prévoit le pré-
remplissage des déclarations de patrimoine auprès de la HATVP.
Sur la question complexe de l’infraction de prise illégale d’intérêt et de l’encadrement des
situations de conflit d’intérêts, le Sénat a été une force de proposition. Il a voté des mesures
destinées à fournir aux élus un cadre juridiquement plus cohérent et adapté aux réalités de
la vie locale, sans remettre en cause les fondamentaux des règles destinées à sauvegarder la
confiance des électeurs en la probité des décideurs publics.
Il a notamment entendu réaffirmer le caractère intentionnel de l’infraction de prise illégale d’intérêt, laisser des marges en cas d’existence d’un motif impérieux d’intérêt général et clairement faire sortir du champ de l’infraction toute situation dans laquelle l’intérêt en question est un intérêt public : c’était déjà ce que les sénateurs avaient voté en 2024.
En parallèle, le texte du Sénat a offert certains assouplissements, permettant de limiter la nécessité de se déporter systématiquement pour les élus représentant leur collectivité dans un organisme extérieur. En particulier, aucune prise illégale d’intérêt ne peut exister pour un élu du seul fait de sa représentation d’une collectivité dans un tel organisme dès lors qu’il ne
perçoit pas de rémunération ou d’avantage particulier à ce titre. Seule persisterait une obligation de déport pendant les délibérations concernant la commande publique quand cet organisme est candidat. Enfin, les élus disposant de mandats dans plusieurs collectivités ne seraient pas considérés comme ayant un intérêt de ce seul fait.
Compte tenu des importantes avancées réalisées par cette proposition de loi, avec mes collègues sénateurs, je la soutiendrai vigoureusement dans la suite du processus parlementaire, afin qu’elle puisse entrer en vigueur dès que possible et contribuer à améliorer les mandats et vies de l’ensemble des élus locaux.
À SAVOIR |
Création d'un statut d'élu local · Le statut de l’élu local vise à consolider les trois temps du mandat : le début, l’exercice et la fin. · Le Sénat a clarifié la charte de l’élu local, notamment sur la laïcité et ouvert la voie à des droits sociaux renforcés, par exemple en matière de retraite, de protection sociale et de congés maternité. · Objectif : sécuriser et redonner de l’attractivité à l’engagement local. |
Revaloriser les indemnités · Ce texte prévoit la revalorisation des indemnités pour l’ensemble des exécutifs des communes de moins de 20 000 habitants. · Objectif : reconnaître la charge croissante du mandat d’élu et corriger les disparités entre les différentes strates de collectivités. |
Extension de la protection fonctionnelle · La proposition de loi permet l’extension automatique de la protection fonctionnelle à l’ensemble des élus, y compris les conseillers municipaux, en cas de menaces, d’injures ou de violences. · Cette protection comprend la prise en charge des frais d’avocat, la réparation des préjudices matériel et moral, ainsi qu’un accompagnement administratif. · Objectif : protéger juridiquement les élus de proximité, souvent exposés à des violences verbales, physiques ou numériques. |
Dispositifs de revalorisation pour la fin de mandat et la retraite · Ce texte prévoit une majoration de la durée d’assurance retraite des élus locaux : un trimestre par mandat complet, dans la limite de trois trimestres. · Il s’agit d’un dispositif de reconnaissance pour les élus qui interrompent ou réduisent leur activité professionnelle, souvent sans compensation. · Le texte renforce également les outils d’accompagnement de la fin de mandat : validation des acquis d’expérience (VAE), accompagnement par France Travail et portabilité des droits à la formation. · Par ailleurs, la proposition de loi revalorise également l’allocation différentielle de fin de mandat. · Objectif : reconnaître que le mandat local entraîne de réelles contraintes économiques, sociales et professionnelles et y apporter des réponses concrètes. |
Cumul emploi-mandat · La proposition de loi précise et étend les droits à suspension et à congé électif pour les salariés du secteur privé ou public exerçant un mandat local. · Un élu qui poursuit une activité professionnelle peut bénéficier d’un aménagement de son temps de travail, sur la base d’un accord collectif ou d’une autorisation de son employeur. · Le texte crée un label « Employeur partenaire de la démocratie locale » afin de valoriser les entreprises soutenant l’engagement de leurs salariés élus. · Objectif : éviter que les élus soient contraints de choisir entre leur carrière professionnelle et leur engagement local. |
Clarification de la prise illégale d'intérêts et des conflits d'intérêt · Le texte vise à sécuriser les élus face à une infraction dont le champ est aujourd’hui trop large. Il précise la notion « d’intérêt personnel distinct de l’intérêt public » afin de ne pas pénaliser les élus de bonne foi. · Désormais, aucun conflit ne pourra être retenu entre deux intérêts publics. · Pour les élus locaux représentant leur collectivité au sein d’un organisme extérieur, le critère retenu sera désormais la perception d'une rémunération ou d'un avantage particulier. · Objectif : sécuriser juridiquement les élus dans l’exercice de leurs fonctions. |
L’AMF a salué le travail du Sénat · « Le Sénat a adopté un texte équilibré et porteur d’avancées ». · « Les inquiétudes et préoccupations des élus ont été largement prises en compte dans le texte adopté ». · « Le Sénat a sécurisé davantage l’action des élus, en clarifiant le périmètre de la « prise illégale d’intérêts » ». |


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